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L’aidance salariale : comment concilier vie professionnelle et aide apportée à un proche atteint de cancer ?

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Gros plan sur les mains d’un malade et de son proche aidant

Aujourd’hui en France, 11 millions d’aidants, soit 1 français sur 61, accompagnent, de manière régulière et fréquente, si ce n’est quotidienne, un proche en situation de dépendance du fait de l’âge, de la maladie ou d’un handicap. Parmi eux, 38 %2 ont été aidants de personnes atteintes de cancer au cours de ces 5 dernières années, 66 % sont actifs et 54 %3 sont salariés. Le baromètre Aider et Travailler – Interfacia4 estime même qu’un actif sur quatre sera aidant en 2030.

Les aidants interviennent à titre non professionnel pour accomplir tout ou partie des actes ou des activités de la vie quotidienne de leur proche (ménage, course, repas, toilette, démarches administratives, coordination, transport) et ils ont besoin d’être accompagnés et soutenus par leurs entreprises et la société en général. Concilier vie professionnelle et vie personnelle avec l’aidance n’est pas toujours facile et peut conduire à des situations complexes pour l’aidant.

Quels dispositifs existent aujourd’hui ?

En cumulant leur travail et l’aidance, les salariés s’épuisent physiquement mais aussi mentalement. Pour leur permettre de s’occuper de leur proche handicapé, invalide, en perte d’autonomie ou âgé, ils peuvent bénéficier de différents congés5.

Le congé de proche aidant (CPA)

Le congé de proche aidant permet de suspendre ou de réduire son activité professionnelle pour accompagner un proche en situation de handicap ou en perte d’autonomie à un niveau avancé. Il est d’une durée maximale de trois mois renouvelables dans la limite d’un an sur l’ensemble de la carrière professionnelle et permet l’obtention d’une allocation journalière de proche aidant (AJPA).

Le congé de solidarité familiale

Le congé de solidarité familiale permet au salarié de s’absenter pour assister un proche en fin de vie. D’une durée de trois mois renouvelables une fois, ce congé peut être pris à temps plein ou à temps partiel si l’employeur est d’accord. S’il n’est pas rémunéré par l’employeur, ce congé permet tout de même de bénéficier d’une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie.

Le congé de présence parentale

Ce congé permet d’assister un enfant de moins de 20 ans gravement malade, accidenté ou en situation de handicap. Il dure maximum 310 jours et le salarié aidant peut le prendre en une ou plusieurs fois6.

Concilier vie professionnelle et situation d’aidant

La « salariance » 7, terme utilisé pour désigner le fait d’être aidant tout en occupant un emploi, concerne 54 %8 des aidants. Si toutes les situations ne sont pas les mêmes, elles ont pourtant un point commun : des conséquences directes sur la vie professionnelle et personnelle des salariés. Nous pouvons en recenser quatre principales :

Financière

La perte de revenu est le premier impact direct de l’aidance. En effet, 46 %9 des aidants estiment que l’aidance a eu des conséquences sur leur carrière avec notamment une réduction du temps de travail. Par ailleurs, 10 % d’entre eux ont dû renoncer à travailler.

En plus de la perte de revenu, les aidants font souvent face à des soins médicaux élevés pour leur proche.

Professionnelle

En consacrant du temps chaque semaine à leur proche et en effectuant de multiples tâches, les aidants perçoivent une incidence sur leur vie professionnelle. En effet, ils ont parfois moins de temps à consacrer à leur travail, ont une charge mentale plus importante et doivent alors effectuer des choix difficiles. Ces difficultés n’ont pas la même ampleur si on est un homme ou une femme. En effet, parmi les aidants, 57 %10 sont des femmes, qui se retrouvent souvent obligées de réduire leur temps de travail pour s’occuper d’un proche malade. Ceci impacte de fait directement leur carrière professionnelle. 

Médicale

S’occuper d’un proche tout en ayant à gérer sa vie de famille et sa vie professionnelle peut engendrer une très grande fatigue (pour 54 % des collaborateurs aidants) ou encore du stress (pour 49 %)11.

De fait, assurer des moments de répit, faciliter la prise de congé ou mettre en place des dispositifs d’accompagnement permet d’une part de préserver la santé de ces salariés et d’autre part aux aidants de gagner en productivité (69 % de gains de productivité selon France Stratégie12).

Sociale

Selon une étude publiée en 2020 par l’IPSOS pour la MACIF, le temps consacré à l’aide est le premier facteur d’isolement des aidants : 57 % d’entre eux dédient entre une et sept heures par semaine à leur proche, et 34 %, soit un tiers d’entre eux, plus de huit heures par semaine13.

Ce temps important passé auprès du proche peut donner l’impression à l’aidant de manquer de temps pour ses amis, sa famille, pour s’adonner à ses loisirs ou simplement pour conserver des moments pour soi. Et ainsi maintenir un lien avec la société et sortir de son rôle d’aidant.


Face à ce constat, le collectif Je t’Aide a proposé, dans son plaidoyer de 2021, 10 mesures pour lutter contre l’isolement des aidants, en agissant autour de 4 priorités :

Accompagner les salariés aidants : un enjeu RSE pour les entreprises

Le sujet des aidants par les entreprises et les collaborateurs se doit d’être au cœur des stratégies sociétales d’aujourd’hui et des démarches RSE des entreprises. Pour cela, il est nécessaire de mettre en place des actions permettant aux salariés aidants de se sentir écoutés, épaulés et soutenus tant dans leur travail que dans leur rôle d’aidant au quotidien, par le biais de mesures concrètes tant individuelles que collectives.

Le don de jours de congés entre collègues

Le don de congés a été instauré par la loi du 9 mai 2014 dite loi Mathys. Initialement dédiée aux parents d’un enfant gravement malade, le don de jour de congé a ensuite été étendu à tous les proches aidants. Ce dispositif permet aux salariés aidants de bénéficier de congés payés, sans perte de rémunération.

C’est le cas dans plusieurs secteurs d’activité tels que l’assurance et l’industrie pharmaceutique où les entreprises ont déjà mis en place de telles politiques de soutien aux aidants.

L’aménagement du temps et du poste de travail

Face aux nombreux imprévus ayant lieu lorsqu’on est aidant, pouvoir aménager son temps de travail est essentiel. Ils sont 61 %15 à se positionner en faveur d’une plus grande flexibilité dans les horaires de travail et à exprimer le souhait de pouvoir poser des congés par intermittence.

Une formation nécessaire des cadres et managers

S’adressant à des sujets transverses au sein de l’entreprise (santé, qualité de vie au travail, organisation, égalité homme-femme, non-discrimination), la question des salariés aidants doit être portée par l’ensemble des parties prenantes au sein de l’entreprise : RH, managers, médecins du travail, syndicats, représentants du personnel, collaborateurs…

Pour cela, il est indispensable de proposer des formations, en premier lieu aux managers afin qu’ils puissent mieux gérer leurs équipes. Mais également lorsqu’un salarié se confie et évoque le fait qu’il ne va pas bien ou qu’il est touché par la maladie ou le handicap d’un proche.

De plus, chaque entreprise peut apporter un soutien aux aidants. Elle peut par exemple mettre en place des groupes de paroles en interne ou se rapprocher d’organismes susceptibles d’apporter des informations ou un soutien psychologique, si le salarié en fait la demande. C’est d’ailleurs une demande pour 30 %16 des salariés aidants.

Des progrès encore nécessaires ?

Si la création du congé de proche aidant en 2020 a pu mettre en lumière l’importance du rôle des aidants et son impact sur leur vie quotidienne, son accessibilité est toujours limitée et n’a pas été étendue à l’ensemble des aidants.

Ainsi, par exemple, les parents d’un enfant gravement malade nécessitant une présence constante et des soins réguliers, peuvent bénéficier du congé de présence parentale. Alors que le congé de proche aidant ne peut être demandé par un aidant, à situation médicale identique, que si la personne malade ayant besoin d’être accompagnée est reconnue handicapée par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) ou si elle perçoit l’aide personnalisée d’autonomie (APA), attribuée aux personnes âgées les plus dépendantes.

Or, très peu de personnes malades souffrant d’un cancer remplissent ces conditions, au moment où elles sont les plus fragiles et ont besoin d’être accompagnées. Les aidants de personnes malades sont de ce fait exclus du droit au congé de proche aidant.

Par ailleurs, si la reconnaissance des droits des aidants est de plus en plus mise en avant, il existe encore trop d’aidants qui ignorent leur statut et, de ce fait, leurs droits. Ainsi, seuls 26 %17 des salariés ont informé leur employeur de leur situation d’aidant.

Enfin, la reconnaissance des aidants doit aussi passer par la valorisation de leurs compétences. Cela ressort notamment dans l’article 4 du projet de loi portant sur les mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, qui prévoit « d’autoriser les proches aidants à faire valoir les compétences acquises dans la prise en charge de la dépendance ou de la fin de vie d’un membre de la famille » 18. Outre la maîtrise de gestes techniques (pansement, habillage, aide au lever…) qui pourraient favoriser des reconversions dans les secteurs paramédicaux, la proche aidance permet de développer des soft skills (compétences dites « douces ») indispensables (empathie, adaptation au changement, qualité d’écoute…) en entreprise. Faire reconnaître ces compétences via la VAE reviendrait ainsi à doper la reconnaissance de ces salariés aidants et entretiendrait leur employabilité.

Les associations auxquelles vous pouvez vous référer :

À retenir

Vous avez des questions ? N’hésitez pas à vous faire accompagner et à échanger avec des patients aidants, à l’aide de notre plateforme : https://mon-cancer.com/services/parlons-nous/.

Sources

  1. Collectif Je t’Aide, « Plaidoyer 2022 ». Voir en ligne (p.6) : https://associationjetaide.org/wp-content/uploads/2022/10/Plaidoyer-2022-_-Collectif-Je-TAide_Pas-sans-les-11M.pdf.
  2. La Ligue contre le cancer, « Accompagner les personnes malades et leurs proches. Être aux côtés des proches aidants ». Voir en ligne : https://www.ligue-cancer.net/nos-missions/etre-aux-cotes-des-proches-aidants.
  3. Collectif Je t’Aide, « Plaidoyer 2022 ». Voir en ligne (p.6) : https://associationjetaide.org/wp-content/uploads/2022/10/Plaidoyer-2022-_-Collectif-Je-TAide_Pas-sans-les-11M.pdf.
  4. Interfacia, « Baromètre aider & travailler », 2020. Voir en ligne : https://interfacia.fr/les-cles-de-reussite-de-sa-demarche-de-management-de-l-aidance-1/3/
  5. Institut National du Cancer, « Les congés d’accompagnement proposés aux proches d’une personne malade », 2023. Voir en ligne : https://www.e-cancer.fr/Patients-et-proches/Aider-un-proche-malade/Conges-pour-les-proches/Conges-d-accompagnement.
  6. Service-Public.fr, « Les congés de présence parentale et de proche aidant évoluent dans la fonction publique », 2023. Voir en ligne : https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A16738.
  7. France Stratégie, « Engagement des entreprises pour leur salariés aidants », février 2022. Voir en ligne (p.36) : https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/rse_-_avis_-_engagement_des_entreprises_pour_leurs_salaries_aidants_-_fevrier_2022.pdf.
  8. Collectif Je t’Aide, « Plaidoyer 2022 ». Voir en ligne (p.6) : https://associationjetaide.org/wp-content/uploads/2022/10/Plaidoyer-2022-_-Collectif-Je-TAide_Pas-sans-les-11M.pdf.
  9. Ipsos, « Enquête nationale aidants – 2020 ». Voir en ligne (p.31) : https://www.aveclesaidants.fr/wp-content/uploads/2020/09/Enqu%C3%AAte-nationale-Ipsos-Macif-sur-la-situation-des-aidants-en-2020-Rapport-COMPLET.pdf.
  10. Collectif Je t’Aide, « Plaidoyer 2022 ». Voir en ligne (p.6) : https://associationjetaide.org/wp-content/uploads/2022/10/Plaidoyer-2022-_-Collectif-Je-TAide_Pas-sans-les-11M.pdf
  11. France Stratégie, « Engagement des entreprises pour les salariés aidants », février 2022. Voir en ligne (p.29) : https://www.strategie.gouv.fr/publications/engagement-entreprises-leurs-salaries-aidants.
  12. France Stratégie, « Engagement des entreprises pour les salariés aidants », février 2022. Voir en ligne (p.45) : https://www.strategie.gouv.fr/publications/engagement-entreprises-leurs-salaries-aidants.
  13. Ipsos, « Enquête nationale aidants – 2020 ». Voir en ligne (p.17) : https://www.aveclesaidants.fr/wp-content/uploads/2020/09/Enqu%C3%AAte-nationale-Ipsos-Macif-sur-la-situation-des-aidants-en-2020-Rapport-COMPLET.pdf.
  14. Collectif Je t’Aide, « Plaidoyer 2021 – Prévenir et lutter contre l’isolement social des aidant.es ». Voir en ligne (p.28) : https://associationjetaide.org/wp-content/uploads/2021/05/Plaidoyer_2021_Collectif_Je_TAide_Isolement_Social.pdf.
  15. Isidoor, « Les salaries aidants ». Voir en ligne : https://infos.isidoor.org/kb/les-salaries-aidants-quels-enjeux-pour-lemployeur/.
  16. Isidoor, « Les salaries aidants ». Voir en ligne : https://infos.isidoor.org/kb/les-salaries-aidants-quels-enjeux-pour-lemployeur/.
  17. France Stratégie, « Engagement des entreprises pour les salariés aidants », février 2022. Voir en ligne (p.38) : https://www.strategie.gouv.fr/publications/engagement-entreprises-leurs-salaries-aidants.
  18. Légifrance, « Loi n°2022-1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi ». Voir en ligne : LOI n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi – Dossiers législatifs – Légifrance (legifrance.gouv.fr)


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