Close Mobile Navigation

Cancer, faut-il en parler sur son lieu de travail ?

AccueilMes articlesCancer, faut-il en parler sur son lieu de travail ?
Vie professionnelle et cancer

Si la majorité des cancers se déclarent après l’âge de 65 ans1, environ 40 % affectent des femmes et des hommes en activité professionnelle2. Des personnes et structures ressources peuvent accompagner le salarié et l’aider à protéger son avenir professionnel.

Le médecin du travail, un allié clef !

Le salarié n’a aucune obligation d’informer quiconque de son état de santé. Toutefois, il a intérêt à avertir dès que possible le médecin du travail afin que ce dernier mette en œuvre tous les outils dont il dispose pour favoriser le maintien dans l’emploi. « La loi du 2 août 2021 prévoit la création de cellules PDP —Prévention de la Désinsertion Professionnelle— dans chaque service de santé au travail », indique le Dr Jean-Marc Plat, médecin du travail au sein de l’Association de Prévention et de Santé au Travail du BTP des Alpes Maritimes à Vallauris3. Ces cellules PDP réunissent autour d’un médecin du travail, différents experts (psychologue du travail, assistante sociale, ergonome…) qui organisent un véritable accompagnement du salarié pendant son arrêt et à son retour en entreprise. Plus la prise de contact avec la cellule sera précoce, plus celle-ci disposera de temps pour organiser ce maintien dans l’emploi. A noter que le médecin du travail est soumis au secret professionnel ; autrement dit jamais il ne dévoilera à un tiers l’état de santé d’un patient. Le salarié peut donc lui livrer toutes les informations utiles.

« Dans les grandes structures, on peut aussi se rapprocher du CSE (comité social et économique) pour s’informer des dispositions spécifiques que l’entreprise propose aux personnes malades », conseille Madame Catherine Simonin, ancienne Vice-Présidente de la Ligue contre le cancer4.

Qu’en est-il de l’employeur ? Beaucoup de salariés redoutent de parler à leur hiérarchie de leur état de santé par crainte d’une sanction (refus de promotion, licenciement, traitement différent…). Cependant, le Code du travail interdit le licenciement pour raison de santé ; ce serait discriminatoire. Le salarié n’a donc pas à redouter une mise à l’écart consécutive à sa maladie. Toutefois, si l’absence du salarié engendre de sérieuses perturbations dans le fonctionnement de l’entreprise, ou si d’autres raisons réelles et sérieuses motivent le licenciement (licenciement économique, licenciement pour faute…) ce dernier reste possible5.

Concernant les collègues, c’est au cas par cas en fonction des relations que l’on entretient avec les équipes avec lesquelles on travaille. « Chaque situation est différente. Dans les TPE bien souvent, les collègues ne sont pas seulement des collègues, ce sont aussi des amis. Ils sont donc rapidement informés, et peuvent être de précieux auxiliaires pour accompagner le salarié » indique le Dr Plat. Bonne nouvelle : sous l’impulsion des associations de patients, de plus en plus d’entreprises se forment à l’inclusivité. Ainsi, le programme « Entreprises engagées contre le cancer » proposé par la Ligue contre le cancer permet à la fois d’amener un changement de regard dans l’entreprise sur la maladie mais également de sensibiliser le management et les équipes à la prévention et au dépistage et d’informer des démarches favorisant le retour ou le maintien dans l’emploi des salariés touchés par un cancer6.

Aménager le poste ou préparer le retour au travail

Quand un cancer est diagnostiqué, l’urgence est d’entreprendre un protocole de soins. Si ces soins sont compatibles avec une activité professionnelle, conserver son poste —modulo des aménagements adaptés— est une bonne option. Le cancer est une affection longue durée (ALD) qui ouvre des droits spécifiques comme la prise en charge à 100 % des frais médicaux induits par le cancer (dans la limite des plafonds de remboursement). Mais surtout dans le cadre de l’ALD, le patient bénéficie d’une autorisation d’absence pour suivi médical. Autrement dit, il peut programmer ses rendez-vous médicaux et ses traitements à son gré7.

Lorsque le maintien en poste n’est pas possible et qu’un arrêt maladie est prescrit —ce qui est souvent le cas— le salarié a tout intérêt à solliciter une visite de pré-reprise. Cette visite peut également être initiée par le médecin du travail, s’il est averti de la mise en arrêt maladie du salarié. Par ailleurs, depuis la loi du 2 août 2021, l’employeur est habilité à inviter tout salarié pendant son arrêt à un rendez-vous de liaison au cours duquel il l’informe de ses droits et notamment de son droit à une visite de pré-reprise . Au cours de la visite de pré-reprise le médecin du travail examine le patient et échange avec lui afin de lui proposer les solutions les plus adaptées : « Cette visite permet de mettre en place des procédures longues et complexes comme une reconnaissance de travailleur handicapé » indique le Dr Plat. Une fois cette reconnaissance obtenue, de nombreuses actions peuvent être envisagées : aménagement matériel du poste de travail, aides financières pour aider l’entreprise à conserver son salarié à un poste allégé (RLH- reconnaissance de la lourdeur économique du handicap), mais également essai encadré (reprise d’un emploi pendant l’arrêt de travail), bilan de compétence, formation en vue d’une reconversion professionnelle…

A la fin de l’arrêt de travail, soit le salarié est en mesure de reprendre son poste, soit un aménagement est nécessaire. Le plus souvent ce retour au travail se fait à temps partiel9. « Plus un arrêt de travail est long, plus dure est la reprise » prévient Catherine Simonin. « Je conseille de reprendre le travail le plus tôt possible, même si c’est à temps très partiel ».

Certains patients, déclarent un cancer à quelques années de leur retraite. La tentation est grande de vouloir basculer immédiatement vers un changement de vie et de se plonger dans une activité passion. Pourquoi pas, mais encore faut-il être prudent. Aujourd’hui l’immense majorité des cancers guérit ou offre de longues rémissions. Il faut donc penser à l’avenir. Hormis des cas particuliers comme les cancers où l’espérance de vie reste hélas comptée – par exemple les cancers du pancréas— aucun choix de vie ne doit être fait sans avoir pris le temps de calculer ses droits à la retraite. Si on n’a pas fait une carrière complète —et c’est souvent le cas des femmes qui entre les enfants et les temps partiels n’ont pas cumulé tous les trimestres nécessaires— il est impératif de contacter la Carsat ou la MSA afin de connaître ses droits à la retraite avant de se lancer dans un grand projet non rémunérateur 10! « Après un cancer, le patient se retrouve dans une période de fragilité », avertit Catherine Simonin. « Les décisions prises ne le sont pas toujours avec le recul nécessaire. Il est impératif de garder le temps de la réflexion avant de faire des choix qui pourraient avoir de lourdes conséquences financières. »

De nombreux facteurs jouent sur le maintien dans l’emploi : la gravité de la maladie, la lourdeur des traitements, le type d’emploi, l’âge, la charge de travail, mais pour le Dr Plat, le facteur clef c’est l’anticipation. « Nous voyons encore aujourd’hui arriver en visite de reprise des salariés qui ont été pendant 2 ou 3 ans en arrêt maladie. Ils n’ont pas été informés de l’existence de la visite de pré-reprise, ils sont passés entre toutes les mailles du filet et lorsqu’ils reviennent dans l’entreprise rien n’est prêt pour les accueillir. Le risque est alors grand que la reprise se conclue par une mise en inaptitude. » Heureusement, ces cas sont de plus en plus rares. Les récents aménagements de la législation permettent désormais d’utiliser à bon escient le temps de l’arrêt pour préparer, en coordination avec l’employeur et les différents services sociaux, le retour le plus serein possible dans l’entreprise, ou une reconversion.

Et les indépendants11 ? Ils payent le prix fort car ils ne bénéficient pas de la même protection que les salariés. De plus, la situation peut rapidement devenir intenable pour eux car ils perdent du jour au lendemain tout revenu. Depuis peu, les artisans et indépendants ont la possibilité de s’affilier à un service de santé au travail et d’être guidé par les cellules PDP.

Les associations auxquelles vous pouvez vous référer :

FR-NON-01147



Sources 1

Complément de références sur l’âge de diagnostic des cancers :

  1. Près de 2 cancers sur 3 se déclarent chez les personnes de 75 ans ou plus → Institut Curie, « Le cancer chez les personnes âgées ». Voir en ligne : https://curie.fr/page/le-cancer-chez-les-personnes-agees.
  2. 1 homme sur 3 et 1 femme sur 4 se verront diagnostiquer un cancer avant leur 75ème anniversaire → Fondation contre le Cancer, « Le cancer en chiffres ». Voir en ligne : https://www.cancer.be/le-cancer/le-cancer-en-chiffres.
  3. En moyenne, 60% des personnes atteintes de cancer ont plus de 65 ans → Fondation contre le Cancer, « Le risque augmente avec l’âge ». Voir en ligne : https://www.cancer.be/les-cancers/facteurs-de-risque/le-risque-augmente-avec-l-ge#:~:text=Autrement%20dit%2C%20pour%20la%20plupart,ans%20(plus%20de%20chiffres).
  4. Les cancers chez les 65 ans et plus, représentent ainsi 62,4% des cancers estimés tous âges confondus en 2017. → Institut National du Cancer, « Épidémiologie des cancers chez les patients de 65 ans et plus », 2018. Voir en ligne : https://www.e-cancer.fr/Professionnels-de-sante/L-organisation-de-l-offre-de-soins/Oncogeriatrie/Epidemiologie.
  5. Plus de 60% des nouveaux cas de cancers sont diagnostiqués chez les plus de 65 ans. → Priorités Age Cancer, « Propositions pour une politique volontaire de prise en charge adaptée au cancer chez le sujet âgé », 2020. Voir en ligne : https://oncocentre.org/wp-content/uploads/prioritesagecancer-propositions-23122020-VDéf.pdf.
  6. On estime qu’en 2002, 356 300 personnes en âge de travailler avaient un cancer, soit 1,33% de la population active (26,7 millions en 2022). → Cairn, Revue Travailler, « Travailler autrement », 2010. Voir en ligne : https://www.cairn.info/revue-travailler-2010-1-page-99.htm.
  7. Plus de 2 tiers des patients en exercice lors du diagnostic de la maladie reprennent actuellement une activité professionnelle, contre seulement 1 tiers des patients il y a 10 ans. → AF3M, SIRIC, ILIAD, « Guide cancer & Travail », 2022. Voir en ligne : https://www.af3m.org/uploads/PDF/Guide-Cancer-Travail.pdf.
  8. L’étude « Vie après un cancer » (VICAN) a démontré que parmi les personnes en activité au moment du diagnostic, 20% ne travaillaient plus 5 ans après.→ ScienceDirect, « Situation professionnelle à long terme après un cancer : étude réalisée à partir de registres de population », 2020. Voir en ligne : https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0007455120303180.
  9. 1 000 personnes apprennent chaque jour qu’elles ont un cancer, 400 travaillent. → Cancer@Work, « Travailler avec un cancer. Faire de la volonté de certains une opportunité pour tous », 2017. Voir en ligne : https://asteres.fr/site/wp-content/uploads/2017/09/170905-Asterès-CancerAtWork-Travailler-avec-un-cancer-BD.pdf
  10. La survenue d’un cancer multiplie par près de 3 la probabilité de perdre son emploi et réduit de 30% les chances d’en trouver un, par rapport à une situation sans cancer. → Cancer@Work, « Travailler avec un cancer. Faire de la volonté de certains une opportunité pour tous », 2017. Voir en ligne : https://asteres.fr/site/wp-content/uploads/2017/09/170905-Asterès-CancerAtWork-Travailler-avec-un-cancer-BD.pdf
  11. D’après l’Institut National du Cancer, 40% des cas sont évitables grâce à la prévention. →  Cancer@Work, « Travailler avec un cancer. Faire de la volonté de certains une opportunité pour tous », 2017. Voir en ligne : https://asteres.fr/site/wp-content/uploads/2017/09/170905-Asterès-CancerAtWork-Travailler-avec-un-cancer-BD.pdf

Sources 2

  1. Institut National du Cancer, « Épidémiologie des cancers chez les patients de 65 ans et plus ». Voir en ligne : https://www.e-cancer.fr/Professionnels-de-sante/L-organisation-de-l-offre-de-soins/Oncogeriatrie/Epidemiologie. Voir complément de références en fin d’article.
  2. ScienceDirect, « Situation professionnelle à long terme après un cancer : étude réalisée à partir de registres de population », 2020. Voir en ligne : https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0007455120303180.
  3. Interview réalisée avec le Dr Jean-Marc Plat, LinkedIn : https://www.linkedin.com/in/jean-marc-plat-18b4151a5/.
  4. Interview réalisée avec Catherine Simonin, LinkedIn : https://www.linkedin.com/in/catherine-simonin-199793b3/?originalSubdomain=fr.
  5. Code du travail numérique, « Licenciement d’un salarié en arrêt maladie dans le secteur privé », 2022. Voir en ligne : https://code.travail.gouv.fr/fiche-service-public/licenciement-dun-salarie-en-arret-maladie-dans-le-secteur-prive.
  6. La Ligue contre le cancer, « Devenir une entreprise partenaire Lig’Entreprises engagées contre le cancer », 2022. Voir en ligne : https://www.ligue-cancer.net/article/80912_ligentreprises-engagees-contre-le-cancer.
  7. Légifrance, « Code du travail. Article L1226-5 ». Voir en ligne : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032181969#:~:text=Tout%20salari%C3%A9%20atteint%20d%27une,par%20son%20%C3%A9tat%20de%20sant%C3%A9.
  8. Légifrance, « Code du travail. Chapitre VI : Maladie, accident et inaptitude médicale…Article L1226-1-3 ». Voir en ligne : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006072050/LEGISCTA000006177855/.
  9. Ministère du travail, du plein emploi et de l’insertion, « Adapter son poste de travail », 2022. Voir en ligne : https://travail-emploi.gouv.fr/emploi-et-insertion/prevention-maintien-emploi/salarie-travailleur-independant-ou-agent-public/adapter-son-poste-de-travail/article/reprise-de-travail-a-temps-partiel-pour-motif-therapeutique-ou-reprise-d-un.
  10. La Lingue contre le cancer, « Du fait de mon cancer, puis-je partir à la retraite plus tôt ? », 2023. Voir en ligne : https://droit-demarche-cancer.fr/article/31996_du-fait-de-mon-cancer-puis-je-partir-la-retraite-plus-tot.
  11. Ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion, « Modalités de mise en œuvre des cellules de prévention de la désinsertion professionnelle constituées au sein des SPSTI », 2022. Voir en ligne : https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwif-_D10o3_AhXLaqQEHdosBIoQFnoECAgQAQ&url=https%3A%2F%2Ftravail-emploi.gouv.fr%2FIMG%2Fpdf%2Finstruction_du_26_avril_2022.pdf&usg=AOvVaw2FpOl7E5b3FkAE42MLxZdf.