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Pourquoi moi ? Du sentiment d’injustice à celui d’acceptation

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Ce mois-ci, Giacomo Di Falco, psycho-oncologue au CHU de Lille, nous propose de revenir sur la question de l’injustice et de l’acceptation. La prise en charge du sentiment d’injustice est capitale pour ne pas tomber dans le déni et affronter le parcours de soins.

« La vie ne consiste pas à attendre que passe la tempête, mais à apprendre à danser sous la pluie. »

SÉNÈQUE


Témoignage

« Ce jour-là, à la minute où le médecin m’a annoncé ça, j’ai eu la sensation de recevoir un gros coup sur la tête ! Je me suis dit qu’il s’était trompé de dossier, ou de personne. Je ne savais plus trop quoi penser. J’étais vraiment sonnée, et depuis j’ai l’impression de vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de ma vie. J’ai toujours rendu service aux autres, toute ma vie, je ne comprends pas ce que j’ai fait pour mériter ça ! C’est vraiment injuste. » Christine, 58 ans

C’est vrai : comme pour Christine, l’annonce du cancer a peut-être provoqué une vraie de rupture dans la continuité de votre vie et peut-être l’aurez-vous vécu comme un potentiel traumatisme. Et comme dans tout choc traumatique, la première réaction du cerveau est de ne pas accepter la totalité de l’information traumatisante. Cela lui permet de traiter les informations au fur et à mesure, en fonction de ce que vous êtes capable d’assimiler.

« Il y a peut-être une erreur ? »

« Vous êtes sûr que ce sont bien mes résultats d’examen ? »

Cette difficulté à réaliser n’est pas rare, elle est même très fréquente, et profondément humaine : il s’agit d’un mécanisme de défense que votre cerveau met en place, pour vous protéger en vous délivrant au fur et à mesure ce que vous êtes prêt à entendre. Chacun a ses propres limites.

Les psychologues appellent parfois cela le « déni ». Et il arrive souvent que, pendant cette période, vous ayez l’impression d’être « sonné », comme Christine, comme si une enclume vous était tombée sur la tête. Il s’agit d’un véritable moment de sidération dans votre vie, qui peut durer de quelques jours à quelques semaines après l’annonce du diagnostic. C’est un état dans lequel vous avez le sentiment d’être souvent perdu dans vos pensées ; cela a commencé dès que la personne en blouse blanche face à vous a prononcé le mot « cancer ». Vous avez eu l’impression forte et instantanée d’être comme propulsé dans un « ailleurs ». C’est une période dans laquelle il est possible que vous égariez beaucoup de choses, ou que votre attention vous fasse défaut. Pendant cette phase, il est par exemple plus prudent de ne pas conduire sur de trop grandes distances. Rassurez-vous, elle a un début, mais aussi une fin.

Du déni au refus

Après avoir traversé cette période assez trouble, il est bien possible que vous ressentiez une forme de colère : votre cerveau a maintenant bien compris la situation, mais une partie de vous la rejette encore en bloc. Cet événement semble inacceptable, et ce qui vous arrive est alors vécu comme une véritable injustice. Alors dans la traversée du tumulte, au milieu de toutes ces questions qui restent pour l’instant sans réponse, il y a celle-ci qui revient plus souvent que les autres : « Pourquoi moi ? »

Pourquoi moi ?

Pourquoi arrive-t-il souvent que l’on se pose cette question ? Dans les situations anodines, comme dans les situations plus graves : lorsque notre voiture tombe en panne, lorsque notre connexion internet se coupe ou lorsqu’on nous annonce une nouvelle bien pus grave comme le diagnostic d’un cancer.

Cette question renvoie directement à l’une de nos croyances les plus massivement répandue, et qui pourtant n’a pas de sens : « cela n’arrive qu’aux autres ». Le « pourquoi moi » est donc la conséquence directe de cette croyance profondément et discrètement ancrée en chacun de nous.

Cette interrogation peut aussi se traduire par « qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? ». Il s’agit bien de ces phrases qui nous traversent l’esprit et qui influencent notre vie, sans même que l’on pense à s’y attarder un peu.

Cette réaction humaine vient de notre besoin fondamental de trouver un sens aux événements qui nous arrivent. Peut-être que vous l’aurez déjà remarqué, ou peut-être le remarquez-vous maintenant : nous avons absolument besoin de poser un sens sur tout. Si on ne trouve plus nos clés, il faut bien que l’on s’en dise quelque chose. « C’est toujours dans les moments où je suis pressé que cela arrive ! »

Y aurait-il donc de « bons moments » pour tomber en panne, ou perdre ses clés ?

Soyons tolérants, c’est aussi ce principe qui fait effectivement de nous des êtres humains ! Nous détestons les zones d’ombre. Et nous essayons de les remplir avec du sens, même si ce n’est pas le bon.

Quelques pistes pour aller mieux.

Se poser cette question est donc absolument naturel, mais il faut que vous sachiez que c’est lorsque vous commencerez à vous en éloigner que vous commencerez à vous sentir mieux dans votre tête.

Car il n’y a en effet pas de réponse à cette question. Vous pouvez continuer à rejeter la situation plus ou moins longtemps, mais c’est quand vous commencerez à l’accepter, et à passer peu à peu du « pourquoi » au « comment » peut-être, que vous reprendrez le contrôle de votre vie, même avec la maladie.

Certes la vie est devenue différente depuis l’annonce, car vous avez modifié vos croyances à son sujet. Elle est ainsi devenue plus précieuse.

Si vous sentez que, malgré vos tentatives, vous n’y parvenez toujours pas, alors peut-être qu’il pourrait vous être utile de consulter un psychologue, même pour une seule consultation. De plus en plus de services hospitaliers en cancérologie en proposent, de nos jours. Car contrairement à une idée reçue, le psy « ça n’est pas fait pour les fous ». C’est plutôt fait pour guider tout un chacun à travers certaines épreuves de la vie qu’on aurait bien du mal à traverser tout seul. Le psychologue pourra vous indiquer des pistes en fonction de qui vous êtes, pour vous permettre de vous remettre dans l’axe de votre vie.

Car oui, c’est encore possible.

Pour plus d’information, n’hésitez pas à contacter votre médecin.

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SOURCES

Puy-Pernias S. Les mécanismes de défense en cancérologie. La lettre du sénologue. 2002 ; 18 : 11-12