Être jeune et aidant d’un proche atteint d’un cancer : quels impacts sur sa vie au quotidien ?

Le terme « jeune aidant » reste peu connu et souvent mal compris. L’association Jeunes Aidants Ensemble (JADE), association française pionnière dans l’aide et l’accompagnement des jeunes aidants, définit l’aidance jeune comme « un enfant ou un adolescent de 18 ans qui apporte une aide significative régulière à un proche malade, en situation de handicap et/ou de perte d’autonomie »¹. On parle alors de jeune adulte aidant lorsque la personne est âgée de 18 à 25 ans. En France, l’association recense environ 700 000 jeunes aidants².

Qui sont les jeunes aidants ?

La population des jeunes aidants et jeunes adultes aidants est encore trop peu étudiée et à ce jour, des zones d’ombres persistent sur de nombreux points les concernant. L’association JADE et des enquêtes qui ont été réalisées sur le sujet, permettent néanmoins d’y voir plus clair. En effet, une enquête IPSOS, publiée en 2017 sur les jeunes aidants, a permis de mettre en exergue le fait que l’âge moyen d’un jeune aidant est de 16,4 ans³. Par ailleurs, 72% des jeunes aidants accompagnent un parent atteint d’une maladie grave et 52% aident leur mère, atteinte le plus souvent d’un cancer, de sclérose en plaques (SEP) ou d’une maladie neurologique ou psychiatrique⁴.
De plus, parmi ces jeunes, 73% consacrent au moins 1h de leur temps par jour en semaine, à aider leur proche et 36% plus de 2h⁵.

Les jeunes aidants apportent à 61% un soutien moral au proche aidé. Ils sont 43% à s’occuper des aspects médicaux, comme aller à la pharmacie, assurer le suivi médical, préparer le pilulier. De surcroit, 20% s’occupent de ce qui s’apparente à des soins ou de l’intimité de la personne aidée, en faisant la toilette, en aidant le proche à s’habiller ou à se doucher par exemple⁶. Et c’est également ce dont témoigne Romane, jeune adulte aidante de 24 ans, qui s’occupe de sa mère, diagnostiquée en 2021 d’un cancer. Du jour au lendemain, Romane se retrouve submergée par diverses tâches. Elle doit en effet s’occuper du quotidien de sa mère qui vit à Valence, tout en continuant ses études de biologie à l’École Normale Supérieure de Lyon. « Je me levais très tôt pour ouvrir les volets, préparer notre petit-déjeuner, la faire un peu manger pour qu’elle ne perde pas trop de poids, la lever, la toiletter, l’habiller, la recoucher », confie Romane. Une organisation millimétrée était nécessaire afin de réussir à gérer deux vies : celle de sa mère et la sienne.

Aider en étant jeune : qu’est-ce que cela implique ?

Le cancer et ses traitements peuvent impacter sensiblement le patient, dans sa vie au quotidien. Il peut, en effet, avoir des conséquences physiques, psychologiques, comme socio-économique. Un patient atteint de cancer voit ainsi sa vie changer, être bousculée notamment par les allers-retours à l’hôpital afin de recevoir ses traitements, par le suivi médical. Il développe certaines incapacités physiques liés par exemple à la douleur, à la fatigue. Il peut donc devenir dépendant sur certains aspects de son quotidien (déplacement, soutien moral, besoins divers)⁷. Romane nous explique, par exemple, que sa mère « était très faible à cause des multiples chimiothérapies » et qu’elle et son frère avaient « mis un point d’honneur de toujours accompagner [leur] maman à ses chimio ».

Ainsi, la personne atteinte d’un cancer peut avoir besoin de compter sur son entourage. Cet entourage ne se limite pas au conjoint et aux proches adultes mais peut impliquer une pluralité d’aidants comme les enfants par exemple. En 2015, la Ligue contre le cancer aurait recensé 5 millions d’aidants de proches atteints de cancer. Parmi eux, 12% seraient âgés entre 16 et 24 ans. En France, ce sont ainsi 600 000 jeunes et jeunes adultes qui apportent une aide à un parent atteint d’un cancer⁸.

Les aides apportées par les jeunes peuvent être diverses : aides dans les soins, tâches quotidiennes et ménagères, soutien psychologique, tâches administratives.

Cependant, selon plusieurs études, l’aide apportée peut avoir de sérieuses conséquences sur la santé mentale et physique de la personne, d’autant plus à un jeune âge. En effet, l’aidance jeune peut engendrer de la dépression, des troubles somatiques, une déscolarisation, de l’absentéisme, de l’isolement. Elle peut aussi être source d’anxiété, de fatigue et d’épuisement⁹. Par exemple, au sein de l’association JADE, près de 17% des jeunes aidants sont lycéens¹⁰.
L’enquête IPSOS de 2017 a également rendu compte de l’impact de l’aidance sur les jeunes. Au niveau de la vie scolaire, 33% des jeunes aidants ont déjà été en retard au moins 1 fois au cours des 3 derniers mois.
Au niveau de la vie sociale, 54% ont le sentiment de ne pas pouvoir profiter de leur jeunesse. Par ailleurs, 46% des jeunes aidants ont déclaré éviter d’inviter des amis chez eux et 47% se disent gênés par le regard des autres.
Au niveau de leur santé, 75% se disent fatigués et 60% déclarent avoir des douleurs au niveau du dos et aux bras¹¹.
Romane explique que sa vie sociale a en effet été chamboulée et qu’être jeune et aidant procure des responsabilités que ses amis autour d’elles n’avaient pas forcément : « Je n’imaginais pas sortir avec des amis et laisser ma maman seule. Ce que je vis est particulier et je suis consciente que je passe à côté de certaines choses que d’autres feraient à mon âge ».

Savoir accompagner les jeunes à leur tour

L’aidance jeune n’a pas que des aspects négatifs. Elle peut contribuer à l’éducation du jeune, à le faire grandir plus rapidement et le faire évoluer d’une autre manière. « Mais en même temps, être aidante de ma maman me procure une très grande force, sans compter le regard “adulte” que je porte désormais sur la vie », avoue Romane. Ce qui est déplorable, selon elle, c’est le manque d’éducation à l’aidance jeune que ce soit des pouvoirs publics ou des professionnels de santé. En effet, les jeunes aidants restent méconnus et peu reconnus comme de réels aidants par les services publics, les professionnels de santé et la société en général.

Le cancéropôle Est a récemment publié les résultats d’une enquête quantitative menée par Health-Care en partenariat avec le Laboratoire Psychopathologie et Processus de Santé, le pôle psychologie de l’Université de Paris Sociétés et Humanités, JAID et la Ligue contre le cancer, sur les connaissances qu’ont les professionnels de santé sur les jeunes aidants accompagnant un proche atteint de cancer. Sur 395 professionnels de santé en oncologie (assistant social, psychologue, infirmier, oncologue, cadre de santé, aide-soignant, médecin) exerçant en pédiatrie, chez les adultes, en hospitalisation, en consultation, en hôpital de jour et à domicile, seuls 48,6% avaient déjà entendu parler du terme « jeune aidant ». Par ailleurs, l’étude montre que les professionnels de santé ont souvent une vision erronée de ces jeunes : que ce soit sur le type d’aide apporté, sur l’âge moyen du jeune et sur l’impact de l’aidance sur sa vie¹².

Les jeunes manquent également d’information et ne savent pas forcément où en trouver. Nombreux sont ceux qui ne connaissent pas l’existence des associations comme celles de JADE par exemple. C’est notamment ce que souligne Romane : « c’est seulement l’année de rémission de ma maman que j’ai connu l’association JADE et que j’ai pu partager avec d’autres jeunes aidant mon quotidien ». Pour elle, il est ainsi primordial que « ces jeunes se fassent connaître, parlent et partagent leur expérience. Pour cela, ils doivent avoir conscience de leur statut et c’est rarement le cas ». Romane est désormais très engagée dans l’association et a même créé le groupe LinkAidants qui fédère des jeunes adultes aidants âgés de 18 à 25 ans.

Les associations auxquelles vous pouvez vous référer :

• JADE : https://jeunes-aidants.com/.
• Jeunes aidants & proches : https://www.jeunesaidantsproches.be/.
• La pause Brindille : https://lapausebrindille.org/.
• Collectif Je t’Aide : https://associationjetaide.org/.
• Association Française des aidants : https://www.aidants.fr/.

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