Close Mobile Navigation

Cancer : les conséquences sur le parcours professionnel du salarié

AccueilMes articlesCancer : les conséquences sur le parcours professionnel du salarié

La survenue d’un cancer impacte l’employabilité d’un salarié. Différentes études menées en France et à l’étranger le confirment, mais la situation est en voie d’amélioration et les entreprises comment à prendre conscience que l’expérience du cancer peut aussi être une richesse au sein de leurs équipes.

Ce n’est ni une surprise, ni une fatalité : être victime d’un cancer (ou être aidant d’un proche atteint d’un cancer) diminue l’employabilité. La maladie impose de fréquents arrêts de travail, les traitements ont des effets secondaires parfois lourds, la fatigue est une compagne omniprésente pour de nombreux patients, y compris après que la maladie a été stabilisée et que les traitements ont cessé. 

Divers travaux ont été menés, aussi bien en France qu’à l’étranger pour mesurer cet effet délétère. Hormis une étude américaine qui conclut que les revenus sont plus importants chez les femmes après un cancer du sein… qu’avant la maladie (ce résultat étonnant serait lié au phénomène de Job Lock c’est-à-dire à la nécessité de travailler pour bénéficier d’une assurance maladie), la majorité des travaux en Europe et en Amérique du Nord, montrent un impact défavorable du cancer sur le revenu des ménages1. Mais ces études sont parcellaires et ne concernent souvent qu’une poignée de localisations ; il est donc difficile d’en tirer des conclusions fiables.
En France, les études VICAN (VICAN 2, pour la vie 2 ans après le diagnostic de cancer2 et VICAN 5, 5 ans plus tard3) réalisées par l’INSERM ont permis de mieux quantifier l’effet réel d’un cancer sur la trajectoire professionnelle (perte d’emploi, réduction du temps de travail, promotion retardée…).

Les femmes et les précaires sont en première ligne

Si le cancer touche tous les âges et toutes les catégories socio-professionnelles, ce sont les plus précaires qui sont le plus durement impactés et qui ont le plus grand risque de désinsertion professionnelle. Selon des chiffres fournis en 2015 par Juris Santé, association de soutien juridique et administratif aux patients, parmi les personnes ayant un emploi au moment du diagnostic de cancer, 13 % avaient perdu ce dernier 2 ans plus tard4. Mais l’association note une différence importante en fonction du statut : le risque de perdre son emploi s’établissait à 10 % pour les cadres et 25 % pour les fonctions d’exécution. Les raisons évoquées sont diverses : les métiers d’encadrement sont plus facilement adaptables (notamment à l’heure du télétravail), mais également le niveau d’éducation est un atout pour faire valoir ses droits et utiliser au mieux les différentes aides mises en place pour accompagner les salariés malades5.
Autre constatation, les femmes semblent payer un plus lourd tribut. L’enquête VICAN 5 montre que 5 ans après un diagnostic de cancer, le taux d’activité a décru de 8,5 points dans la population générale (passant de 94,7 % à 86,2 %)6. Mais chez les femmes la baisse est plus marquée : 1 femme sur 6 en emploi au moment du diagnostic ne l’est plus 5 ans après. Par ailleurs, 1 femme sur 5 qui s’est maintenue en emploi connait une baisse de ses revenus7. Ainsi, l’étude montre une diminution significative des revenus pour 25,7 % des femmes, avec un basculement dans la pauvreté pour 10,6 % d’entre elles8.

Des facteurs de risque mieux connus

Par ailleurs, les facteurs aggravants identifiés sont : l’absence d’aménagement du poste (91,2% restent en emploi lorsque leur poste a été aménagé contre 79,1% sans aménagement)9, le niveau d’étude et pour les femmes : les enfants à charge et le célibat10. Bien entendu la gravité du cancer, la lourdeur des traitements sont corrélés au risque de déclassement professionnel. Ainsi un cancer du poumon, au pronostic sombre, est associé à un risque élevé de perdre son emploi. Un cancer de la thyroïde le sera moins mais l’employabilité sera affectée par la capacité à équilibrer le traitement hormonal, rappellent les auteurs d’une étude récente de l’IRDES11.

Des actions pour préserver la carrière des patients

La dimension professionnelle est de plus en plus souvent prise en compte dans le cadre du traitement. Ainsi de nombreux centres (Curie, CHUs et CHRUs…), ont mis en place depuis 2018 des Unités Transversales d’Education Thérapeutique (UTEP) dont le but est d’accompagner les patients dans la gestion de leur vie au quotidien. Ces UTEP traitent, parmi leurs nombreuses missions, de la problématique de l’articulation entre la vie professionnelle et les soins.
Ainsi, l’UTEP de l’Institut Curie a noué un partenariat avec la plateforme Wecare@work ; elle propose des ateliers sur le retour au travail lors desquels de multiples questions sont abordées : faut-il évoquer sa maladie avec son employeur, à son équipe, à quel moment, comment reprendre le travail après un arrêt long…12
La réflexion porte également sur d’autres aspects, notamment le regard des soignants sur la maladie qui parfois ont tendance à considérer que l’arrêt de travail est la seule solution. Or ce n’est pas toujours le cas. « Une durée longue des arrêts-maladie après le diagnostic de cancer favorise les transitions vers le chômage et l’inactivité́ au détriment de l’emploi », rappellent les auteurs de l’étude IRDES13.

« L’arrêt de travail, pas toujours justifié sur le plan médical, est une question difficile que nous travaillons dans le cadre de nos travaux sur l’amélioration du parcours de soin. Il faut changer cette vision du statut de malade qui est en opposition avec le statut professionnel », ajoute de son côté Évelyne Renault-Tessier, directrice de UTEP de l’Institut Curie qui souligne qu’« avec l’arrêt de l’activité professionnelle se joue la perte d’une identité sociale »14.

Accueillir les salariés touchés par le cancer : une richesse pour l’entreprise

Depuis un peu plus de 10 ans, l’association Cancer@Work rassemble des dirigeants d’entreprise soucieux de faire évoluer la situation des salariés touchés par une maladie grave. « Cancer@Work permet de libérer la parole sur le sujet. Et les résultats sont là : il y a 10 ans, 8 salariés sur 10 ne parlaient pas de la maladie. Aujourd’hui, ce tabou est tombé : 1 personne sur 2 ose évoquer son cancer », indique sa fondatrice Anne-Sophie Tuszynski15.

De plus, selon Nicolas Bouzou auteur en 2016 d’une étude évaluant l’impact du cancer sur la rentabilité des entreprises, maintenir en emploi des salariés touchés par la maladie présente de nombreux avantages. Pour la personne concernée bien entendu. Mais pas seulement : « C’est mieux économiquement pour l’entreprise car elle n’a pas à recruter des CDD ou des intérimaires. C’est mieux pour la société en général, pour la Sécurité sociale notamment, parce que quand la personne travaille, elle continue de cotiser et contribue à son développement. Nous sommes donc sur l’un des rares sujets où toutes les parties engagées sont gagnantes »16.

À retenir

« En moyenne, 15% des actifs d’une entreprise sont directement touchés par la maladie. Selon le CESE, en 2025, ce chiffre sera de 25%. Si on ajoute le taux de 15% d’actifs aidants, 1 salarié sur 2 sera concerné par la maladie dans sa vie professionnelle soit la moitié des effectifs d’une entreprise. 17» – Anne-Sophie Tuszynski, fondatrice de Cancer@work et de la plateforme wecare@work


Les associations auxquelles vous pouvez vous référer :

FR-KEY-00830

Sources

  1. Institut de Recherche pour le Développement, « L’impact du cancer sur le revenu du ménage ». Voir en ligne (p.242) : https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahUKEwip9c7E0OD_AhUWVaQEHeYODVUQFnoECA4QAQ&url=https%3A%2F%2Fhorizon.documentation.ird.fr%2Fexl-doc%2Fpleins_textes%2Fdivers19-02%2F010074662.pdf&usg=AOvVaw0WqflgmguNVZxOg83e36HM&opi=89978449.
  2. Institut National du Cancer, « La vie deux ans après un diagnostic de cancer – De l’annonce à l’après cancer », 2014. Voir en ligne : https://www.e-cancer.fr/content/download/63361/570197/file/La-vie-2-ans-apres-un-diagnostic-de-cancer-2014-V2.pdf.
  3. Institut National du Cancer, « La vie cinq ans après un diagnostic de cancer – Rapport », 2018. Voir en ligne : https://www.e-cancer.fr/content/download/238458/3275124/file/La_vie_cinq_ans_apres_un_diagnostic_de_cancer_rapport_mel_20180625.pdf.
  4. Voix des patients, « L’impact de la maladie diffère en fonction de la situation socio-professionnelle », 2015. Voir en ligne : https://www.voixdespatients.fr/limpact-de-la-maladie-differe-en-fonction-de-la-situation-socio-professionnelle.html.
  5. Ibid
  6. Institut National du Cancer, « Étude VICAN 5 : la vie cinq ans après un diagnostic de cancer ». Voir en ligne (p.10) :  https://medias.sfspm.org/index.php?module=GED&action=Download&record=813c1807-dc6c-e97c-faef-618e8acbde16.
  7. Institut National du Cancer, « Étude VICAN 5 : la vie cinq ans après un diagnostic de cancer ». Voir en ligne (p.25) :  https://medias.sfspm.org/index.php?module=GED&action=Download&record=813c1807-dc6c-e97c-faef-618e8acbde16.
  8. Institut National du Cancer, « Étude VICAN 5 : la vie cinq ans après un diagnostic de cancer ». Voir en ligne (p.21) :  https://medias.sfspm.org/index.php?module=GED&action=Download&record=813c1807-dc6c-e97c-faef-618e8acbde16.
  9. Institut National du Cancer, « Étude VICAN 5 : la vie cinq ans après un diagnostic de cancer ». Voir en ligne (p.18) :  https://medias.sfspm.org/index.php?module=GED&action=Download&record=813c1807-dc6c-e97c-faef-618e8acbde16.
  10. Institut National du Cancer, « Étude VICAN 5 : la vie cinq ans après un diagnostic de cancer ». Voir en ligne (p.20) :  https://medias.sfspm.org/index.php?module=GED&action=Download&record=813c1807-dc6c-e97c-faef-618e8acbde16.
  11. Questions d’économie de la Santé, « L’effet des cancers sur la trajectoire professionnelle », 2018. Voir en ligne (p.6) : https://www.irdes.fr/recherche/questions-d-economie-de-la-sante/238-l-effet-des-cancers-sur-la-trajectoire-professionnelle.pdf
  12. Institut Curie, « Cancer au féminin : les impacts sociaux, intimes et professionnels », 2022. Voir en ligne : https://curie.fr/actualite/journee-mondiale-contre-le-cancer/cancer-au-feminin-les-impacts-sociaux-intimes-et.
  13. HAL Open Science, « L’impact du diagnostic du cancer sur les transitions professionnelles en France. Une étude sur données de panel administratives ». Voir en ligne (p.6) : https://hal-cnam.archives-ouvertes.fr/hal-02172441/file/188-impact-du-diagnostic-du-cancer-sur-les-transitions-professionnelles-en-france.pdf.
  14. Institut Curie, « Cancer au féminin : les impacts sociaux, intimes et professionnels », 2022. Voir en ligne : https://curie.fr/actualite/journee-mondiale-contre-le-cancer/cancer-au-feminin-les-impacts-sociaux-intimes-et.
  15. Interview réalisée avec Anne-Sophie Tuszynski, LinkedIn : https://www.linkedin.com/in/anne-sophie-tuszynski-%E2%98%80%EF%B8%8F-67280510/.
  16. Wacare@work, « Paroles d’experts : Nicolas Bouzou, économiste – Pourquoi est-il si important de concilier cancer, maladie et travail ? », 2022. Voir en ligne : https://www.wecareatwork.com/post/parole-expert-nicolas-bouzou-economiste.  


Ces contenus peuvent vous intéresser

Cancer et vie professionnelle

Quelles démarches pour la prise en charge de mon cancer ?

Dans le combat contre le cancer, certaines démarches sont nécessaires au bon déroulement de la prise en charge. Quelques repères.

Mes témoignages

Se lancer dans l’entrepreneuriat, une quête d’apprendre à se connaitre à nouveau après la maladie.

La création d’entreprise permet de se lancer un nouveau défi et nécessite une certaine dose d’énergie et de motivation. Dans l’après cancer, l’entrepreneuriat apparait comme une seconde vie…

Cancer et vie professionnelle

Cancer, faut-il en parler sur son lieu de travail ?

40% des cancers affectent des femmes et des hommes en activité professionnelle. Des personnes et structures ressources peuvent accompagner le salarié et l’aider à protéger son avenir professionnel.

Aidants et cancer

Le point sur les aides psychologiques pour les aidants familiaux

Être aidant peut-être lourd à porter au quotidien. Quelques conseils et solutions pour pouvoir être aidé et soulagé à son tour.