Jeûne et cancer : une (fausse) bonne idée ?
Malgré une médiatisation importante du jeûne et des régimes restrictifs, les données disponibles ne permettent pas de conclure à leur intérêt en prévention ou pendant un cancer. Certaines montrent un risque de dénutrition et de perte musculaire, qui sont des facteurs connus de mauvais pronostic de la maladie. A retenir :
- Le jeûne thérapeutique et le jeûne préventif, promettent d’”affamer les tumeurs“
- Mais les résultats sur l’animal sont très variables, et aucun n’est concluant sur l’humain.
- La dénutrition potentiellement causée par le jeûne diminue la survie des patients atteints de cancers.
Le leurre du jeûne thérapeutique ou préventif
L’argumentation. Parmi les nombreuses vertus souvent prêtes à ces pratiques, on peut relever notamment la réduction du risque de cancer, la diminution des effets secondaires des traitements et l’optimisation des effets de la régénération. On distingue :
- Le jeûne intermittent, qui désigne un arrêt complet de la prise alimentaire sans restriction hydrique, pendant une durée variable (de quelques heures à plusieurs jours), de manière répétée ou non.
- La restriction calorique, qui consiste une réduction des apports caloriques totaux par rapport aux apports habituels ou recommandés, sans restriction hydrique ou en micronutriments (vitamines et minéraux).
- La restriction protéique, qui implique une réduction des apports protéiques ne devant alors pas dépasser 10 % des apports caloriques.
- Le régime cétogène, ou restriction glucidique, défini par une réduction des apports glucidiques à moins de 10 % des apports caloriques totaux, le reste étant généralement compensé par un apport accru en lipides. D’autres régimes et cures sont supposées utiles dans le traitement du cancer.
La réalité. Aucune étude sur l’humain n’a montré de bénéfice du jeûne intermittent ni du jeûne de prévention, et celles qui concernent la restriction calorique sont peu nombreuses ou de mauvaise qualité. Le jeûne n’a donc démontré aucun bénéfice ni en prévention des cancers, ni pendant le traitement.
Le faux espoir d’”affamer la tumeur”
L’argument. Les cellules cancéreuses consomment davantage de sucre que les cellules saines. C’est pourquoi limiter les apports en sucre pourrait, en théorie, contribuer à ralentir la croissance des tumeurs.
La réalité. La plupart des études scientifiques analysant les liens entre le sucre et le cancer ont été menées sur des animaux de laboratoire. Leur transposition à l’homme ne fait pas l’unanimité et ne permet pas de tirer des conclusions fiables.
Le jeûne peut interférer avec la chimiothérapie
L’argument. D’après des études sur la souris, le jeûne induirait des mécanismes de survie sur les cellules normales, qui résisteraient mieux à la chimiothérapie, mais pas sur les cellules cancéreuses, qui mourraient en premier
La réalité. Il n’existe aucune preuve d’un effet bénéfique ou délétère chez l’humain, qu’il s’agisse d’effet curatif ou d’une interaction avec les traitements anticancéreux. Au contraire, jeûne et régimes restrictifs peuvent aggraver la dénutrition et la sarcopénie (perte musculaire).
La dénutrition, le vrai danger du jeûne chez les patients atteints de cancer
Si le jeûne ne fonctionne pas, c’est que les cellules cancéreuses n’ont pas toutes besoin de grandes quantités de glucose, et à l’inverse beaucoup de nos cellules saines en consomment beaucoup ; par exemple les globules rouges ou celles du cerveau et des muscles !
Même sans jeûner, 40% des patients atteints de cancer sont dénutris. Or, la dénutrition peut engendrer de graves complications, atténuer les effets du traitement, augmenter ses effets secondaires et réduire la qualité de vie. Enfin, la dénutrition serait directement responsable du décès des patients atteints de cancers, dans 5 à 25 % des cas. Il donc est fortement recommandé aux patients atteints de cancer, pendant la maladie et ses traitements, de maintenir un poids optimal grâce à l’activité physique et à une alimentation équilibrée et diversifiée.
Ce que le jeûne fait subir au corps
- Premières heures : l’organisme utilise ses réserves de glucose (sucre) en produisant de l’insuline, qui permet son transport.
- Lorsque les réserves baissent : le corps les attribue en priorité notamment au cerveau, qui en consomme beaucoup, et pioche dans la graisse.
- Après 1 à 5 jour : les muscles fondent pour fournir de l’énergie.
- Au-delà de 5 jours : les corps cétoniques produits par la transformation des graisses en glucose servent de source d’énergie principale au cerveau afin de limiter la perte de muscles.
FR-NON-00453, avril 2023
SOURCES
- Réseau NACRe et Institut National du Cancer. Jeûne, régimes restrictifs et cancer. Etat des lieux et du connaissances. Fiches repères. Novembre 2017.
- Fondation ARC pour la Recherche sur le Cancer. Disponible sur : Jeûne et régimes restrictifs : de quoi parle-t-on ? [Consulté le 15/03/2023]
- Réseau NACRe. Jeûne, régimes restrictifs et cancer : revue systématique des données scientifiques et analyse socio-anthropologique sur la place du jeûne en France. Novembre 2017.
- Fondation contre le cancer. Disponible sur : La consommation de sucre favorise la croissance des tumeurs [Consulté le 15/03/2023]
- Centre régional de lutte contre le cancer Antoine Lacassagne. Alimentation et Cancer – Combattre les idées reçues. 2017.
- Réseau Nacre. Jeûne et cancer. Le jeûne et Les régimes restrictifs ont-ils un intérêt à l’égard du cancer ? 2018.