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Comment appréhender sa rémission complète et bien vivre l’après-cancer ?


La dernière consultation avec votre cancérologue vient de se terminer. Il vous annonce que vous êtes en situation de « rémission complète ». Tout va bien. Vous vous sentez enfin libéré du poids de la maladie mais également un peu perdu. Tout cela est très normal. Après cet intense combat contre le cancer il faut apprendre à vivre autrement et vous réadapter à votre quotidien d’avant.


Dépression et cancer blues

Il arrive que le cancer provoque une dépression réactionnelle car l’annonce de la maladie entraîne des chamboulements dans l’intégralité des champs de l’existence. On estime qu’un quart environ des patients en souffriront (14,3 % seront atteint d’une dépression sévère et 9,6 % d’une dépression légère)1. Plus étonnant, le cancer blues peut frapper les patients une fois que la maladie est guérie. Ce cancer blues manifeste une autre forme de pertes de repères : jusqu’à présent la vie était rythmée par les traitements, par les rendez-vous médicaux, et soudain, plus rien. La vie doit reprendre ses droits : famille, travail, hobbies etc. Mais paradoxalement ce n’est pas si simple ! Il faut en quelque sorte « faire le deuil de sa maladie ». Par ailleurs, pendant tout le temps de la guerre contre le cancer, vous avez mobilisé toutes vos forces, toute votre énergie, pour lutter contre la maladie, une fois cette bataille gagnée, de multiples questions que vous n’aviez pas pris le temps de vous poser vont ressurgir2.


S’adapter à un nouveau mode de fonctionnement

« A dans six mois » ! C’est avec un grand sourire en général que le cancérologue prononce cette phrase. Pour lui, c’est le signe que vous allez bien désormais. Vous allez retrouver une nouvelle forme de liberté. Liberté de vivre autrement, comme vous le souhaitez, de recommencer une existence qui ne sera plus ponctuée d’examens et de traitements. Seule petite contrainte : se revoir dans 6 mois pour vérifier que tout va bien et qu’il n’y a pas de récidive de la maladie. Pour vous, parfois ce « dans 6 mois » résonne autrement. Pendant toute la période des traitements vous étiez entourée. Si vous aviez un doute, une question, toute une équipe médicale était là pour vous répondre, vous rassurer. Et maintenant ?  L’esprit gamberge : que va-t-il se passer pendant ces six mois ? Est-il bien sûr que je suis guéri ? Et si la maladie réapparaissait avant les 6 mois ? Une pléthore de questions se bousculent dans votre tête. Parfois même, ces traitements qui ont eu des effets secondaires, ces traitements que vous avez du supporter, vous redoutez maintenant de les abandonner par crainte d’une récidive3.


Une communication nécessaire

« Allez si, on y va, tu peux venir avec nous, tu es guérie maintenant ». Plein de bonne volonté, votre entourage veut passer à autre chose. Les proches ont parfois du mal à comprendre que vous ne redeveniez pas comme, par un coup de baguette magique, celle ou celui que vous étiez avant la maladie. Ils veulent sortir, s’amuser, tourner la page, retrouver la vie d’avant. Parfois ils peuvent ne pas se rendre compte et vous pouvez vous sentir « en décalage », coupable de ne pas y arriver et au lieu de vous aider, les phrases « stimulantes » de vos proches qui vous incitent à mordre la vie à pleine dents, ont tendance à vous stresser4.

Vous n’êtes plus comme avant et avez changé. La maladie a laissé des séquelles dans votre corps — fatigue, effets des traitements (chirurgie, rayons) — ou dans votre esprit. Rassurez-vous, vous allez peu à peu, brique par brique, vous reconstruire. Mais il faut vous laisser du temps. Vous êtes encore en convalescence. Le temps de la guérison psychique (être guéri dans votre tête) est souvent plus long que celui de la guérison physique2.


Prendre le temps et réenvisager sa carrière professionnelle

Si vous avez pu continuer à travailler ou si vous avez repris un temps-partiel thérapeutique, le retour au travail sera facilité. Si vous avez arrêté totalement de travailler sur une longue période, il vous faudra un temps d’adaptation5. La fatigue et les troubles de la concentration peuvent persister pendant plusieurs mois après la guérison et impacter votre efficacité au travail. Pour vos collègues, vous êtes guérie et après quelques jours d’effervescence et de joie de vous revoir, la vie normale va reprendre le dessus : ils vont vous voir comme la même personne qu’avant la maladie. Ce qui peut être positif mais aussi vous mettre une pression sans le vouloir. Si vous rencontrez des difficultés lors de votre retour à l’emploi n’oubliez pas que le médecin du travail est un allié : il est en mesure d’analyser votre poste, de l’adapter à votre état de santé6.

Il est également possible que vous ayez perdu confiance en vous, que vous ne vous sentiez plus légitime au poste que vous occupiez, ou tout simplement que, passée par les épreuves que vous avez traversées, la place du travail dans votre vie, ne soit plus la même. Peut-être étiez-vous investie à 120 % dans votre mission avant le cancer, mais maintenant vous voyez les choses différemment. Si c’est le cas, c’est l’occasion de réfléchir à un nouveau départ, une nouvelle vie professionnelle, une reconversion. Il n’est pas rare que l’on ait envie d’un métier plus tourné vers les autres, vers l’humain. Mais tout cela ne se fait pas dans un claquement de doigts. Il faut y réfléchir, en parler autour de soi7. Des bilans de compétence, des formations professionnelles peuvent être proposées par votre entreprise. Les services de santé au travail qui comportent une cellule PDP (prévention de la désinsertion professionnelle) sont là pour vous aider à rebondir8.


Préserver sa vie de couple

Certaines incompréhensions peuvent aussi se retrouver au sein du couple. Celui ou celle qui pendant toute la durée de la maladie vous a soutenu avec empathie, vous a entouré, chouchouté, peut se montrer un peu moins patient. Un agacement mutuel peut s’installer progressivement. Une aide extérieure (thérapeute conjugal, sexologue) peut vous aider à passer ce cap9.


Anticiper et préparer l’après-maladie

De même qu’on prépare sa retraite, il est bon, si l’on veut bien passer le cap de l’après-maladie, d’y réfléchir avant. La première chose à faire est de prendre conscience de l’étape à franchir. Cela peut passer par des renoncements (au moins de manière transitoire) : renoncer à l’image de celle ou celui qu’on était avant, aussi bien sur le plan physique que sur le plan du caractère, du dynamisme et accepter notre nouveau nous. Plus tard, quand la maladie sera loin de vous, sans doute vous serez-vous réconcilié avec votre histoire, mais pour le moment il faut accepter l’idée que vous n’êtes plus tout à fait le même. Avec le recul, vous vous rendrez compte que cette expérience vous a rendu différent. Une chose est sûre : l’expérience vous a enrichi, elle a modifié votre regard sur la vie, sur les gens. Elle vous a peut-être sortie de vos carcans d’habitudes. Comme toutes les expériences de la vie, cette épreuve peut aussi être une chance qui vous conduit à rebondir, à vous recréer.


Conseil lecture

Reconstruire sa vie après un cancer, Marie-Anne Garcia Bour.

Réflexo-thérapeute dans un service d’oncologie Marie-Anne Garcia Bour a recueilli les témoignages de nombreux patients guéris ou en passe de l’être. A partir de ces échanges, elle propose un cheminement en 8 étapes pour se reconstruire dans toutes les dimensions du corps et de l’esprit. Les nombreux verbatims qui émaillent le livre permettent au lecteur de se retrouver dans telle ou telle histoire, dans tel ou tel parcours, et de forger lui-même son propre chemin de guérison. Cela peut être un break, une nouvelle expérience (par exemple faire le pèlerinage de St Jacques de Compostelle), une transformation radicale de votre vie, ou toute une série de tous petits changements du quotidien.


À retenir

Des consultations pour vous aider

Longtemps l’après-cancer a été le grand oublié de la cancérologie. Les équipes se battaient à vos côtés pour vous guérir. Une fois que vous étiez entrée en rémission, leur mission était accomplie. Quelques centres ont toutefois pris conscience du problème et proposent désormais des consultations post-cancer. Elles permettent notamment de faire le point avec un psychologue sur vos capacités de résilience, sur vos atouts pour rebondir etc. Ce type de consultation existe depuis 2009 à l’Institut Curie. Plus récemment les centres de l’AP-HP ont mis en place des parcours pour les femmes guéries d’un cancer du sein. Ces parcours intègrent des consultations de fin de traitement, l’établissement d’un Programme Personnalisé de l’Après-cancer (PPAC), et enfin une consultation de rétablissement avec recueil systématisé des besoins et une filière cancer et emploi10. A Gustave Roussy, le programme INTERVAL vise lui aussi à améliorer la qualité de vie en post cancer. Selon les auteurs de ce programme 63,5 % des patients guéris d’un cancer ont des séquelles qui dégradent leur qualité de vie (modification de l’image du corps, douleurs, fatigue, troubles chroniques des fonctions motrices, troubles urinaires et gastriques, conséquences psychologiques et professionnelles), il est donc essentiel de les accompagner11.

Dans le même registre le centre Léon Bérard à Lyon, lance un projet (PASCA) visant à évaluer les complications altérant la qualité de vie des patients guéris d’un cancer12. A Marseille, l’Institut Paoli Calmette soutient des études sur l’après-cancer (retour à l’emploi prévention des récidives etc.)13


L’avis du Dr Pascal Rouby, psychiatre.

Le Dr Rouby travaille dans le service de psychiatrie de liaison au CHU d’Orléans. Auparavant, il a exercé pendant 20 ans comme psychiatre dans l’unité de psycho-oncologie à Gustave Roussy.

Le cancer blues est-il un syndrome fréquent ?

Dr Rouby : On estime que la moitié des patients s’adaptent favorablement, 30 % environ vont présenter des manifestations anxieuses ou dépressives mineures et seulement 10 à 15 % vont manifester une vraie dépression en post cancer et auront besoin d’une aide psychologique ou psychiatrique.

Quels facteurs favorisent la survenue de ce syndrome ?

Dr Rouby : Tout d’abord les séquelles de la maladie ou du traitement. Si on a eu une chirurgie très mutilante ou une chimiothérapie intense, la qualité de vie peut être très altérée. La fatigue est également très présente dans l’année qui suit la fin des traitements. Beaucoup de patients se plaignent de troubles cognitifs, de difficultés de concentration. Sans surprise, ces troubles impactent le moral, l’estime de soi. Les facteurs de vulnérabilité sociale -par exemple le fait d’être veuf ou divorcé- sont aggravants. Les antécédents de dépression, ou de difficultés psychologiques sont aussi des facteurs qui favorisent.

Comment anticiper ce blues et le gérer ?

Dr Rouby : La première étape me semble être de se réconcilier avec son corps, avec son propre plaisir. L’activité physique douce est un bon moyen de le faire, en outre l’activité physique est un antidote contre la fatigue, l’anxiété, la dépression, les troubles cognitifs. De manière générale, il faut reprendre une vie normale mais en douceur. Par exemple pour le travail, le temps partiel thérapeutique est une bonne option. Cette réconciliation passe aussi par l’acceptation du fait que l’on peut avoir des baisses de moral. Après une telle épreuve, c’est normal. Certains patients pensent qu’ils ont plus de risque de rechuter s’ils n’affichent pas un moral d’acier. Ils se forcent à donner l’impression qu’ils vont bien. Mieux vaut exprimer ses émotions, oser pleurer, sans honte, sans culpabilité…

Et avec l’entourage ?

Dr Rouby : L’entourage joue un rôle essentiel, mais ce rôle n’est pas simple. Le cancer est une expérience intime ; les proches —même lorsqu’ils sont extrêmement bienveillants— n’ont pas vécu cette expérience et peuvent y réagir de façon inadaptée. Il ne faut donc pas hésiter à exprimer l’aide dont on a besoin, à formuler clairement sa demande et également manifester sa reconnaissance quand un proche apporte un soutien opportun. Les patients s’attendent souvent à ce que leur entourage comprenne spontanément leurs attentes et leurs besoins. Or c’est rarement le cas. En fait la plupart du temps les proches ne sont pas à l’aise avec ce sujet, ils l’évitent ou l’abordent de manière maladroite.

Certains centres proposent des consultations de fin de traitement…

Dr Rouby : De même qu’il existe des consultations d’annonce, de même voit-on apparaître des consultations de fin de traitement. Et c’est une très bonne chose. On parle au patient de la « vie d’après » en fonction des séquelles de son cancer, par exemple les syndromes douloureux articulaires pour les cancers du sein traités par hormonothérapie. Chaque cas est différent. On leur donne des points de repère pour la suite : les personnes ressources (assistante sociale, psy, consultation douleur, diététicienne, conseillère en image), mais aussi les dispositifs extra hospitalier qui existent comme la CAMI Sport et cancer, la ligue contre le cancer, la médecine du travail.


Sources

  1. National Library of Medicine, « Prevalence of depression, anxiety, and adjustment disorder in oncological, haematological, and palliative- care settings: a meta-analysis of 94 interview-based studies », 2011. Voir en ligne : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21251875/.
  2. Rose up, « Coup de blues post-cancer : la vie après le traitement », 2015. Voir en ligne : https://www.rose-up.fr/magazine/deprime-post-cancer/.
  3. INCA, « Sa faire soigner – Rémission ». Voir en ligne : https://www.e-cancer.fr/Patients-et-proches/Se-faire-soigner/Suivi/Remission.
  4. Guide Patients proches Santé, « Je me sens seul depuis que je suis en rémission ». Voir en ligne : https://gpscancer.fr/je-me-sens-seul-depuis-que-je-suis-en-remission/.
  5. La Ligue contre le cancer, « Le retour et le maintien dans l’emploi des personnes atteintes d’un cancer », 2021. Voir en ligne : https://www.ligue-cancer.net/articles/le-retour-et-le-maintien-dans-lemploi-des-personnes-atteintes-dun-cancer.
  6. Centre Léon Berard, « Retour sur notre journée Cancer et Travail ». Voir en ligne : https://www.centreleonberard.fr/institution/actualites/retour-sur-notre-journee-cancer-et-travail.
  7. La Ligue contre le cancer, « Retour à l’emploi – Comment reprendre le travail après un cancer quand on est salarié ? », 2023. Voir en ligne : https://www.vivre-cancer.fr/actualites/comment-reprendre-le-travail-apres-un-cancer-quand-on-est-salarie/.
  8. Santé au travail AISMT13, « La Cellule Prévention de la Désinsertion Professionnelle de l’AISMT13 », 2021. Voir en ligne : https://www.aismt13.fr/2021/09/01/cpdp/.
  9. La Ligue contre le cancer, « Les soins de support pour mieux vivre avec les effets du cancer », 2020. Voir en ligne (p.44) : https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahUKEwjUw9ih-JWAAxXdQaQEHe9CAikQFnoECBAQAw&url=https%3A%2F%2Fwww.ligue-cancer.net%2Fsites%2Fdefault%2Ffiles%2Fbrochures%2Fsoins-de-support-2021-03_0.pdf&usg=AOvVaw1_wMoDUnjuH49lRnK4a_mv&opi=89978449.
  10. French Healthcare, « L’expertise de l’AP-HP au service des patientes atteintes du cancer du sein », 2022. Voir en ligne : https://frenchhealthcare.fr/fr/lexpertise-de-lap-hp-au-service-des-patientes-atteintes-du-cancer-du-sein/.
  11. Gustave Roussy, « Programme Interval ». Voir en ligne : https://www.gustaveroussy.fr/fr/programme-apres-cancer-interval#:~:text=En%202040%2C%2026%20millions%20de,de%20gu%C3%A9rison%20%C3%A0%20chaque%20patient.
  12. Cancéropôle Lyon Auvergne Rhône-Alpes, « Mieux appréhender l’après cancer grâce à l’étude PASCA du Centre Léon Bérard », 2024. Voir en ligne : https://www.canceropole-clara.com/mieux-apprehender-lapres-cancer-grace-a-letude-pasca-du-centre-leon-berard/#:~:text=L%27objectif%20du%20projet%20PASCA,alt%C3%A9rant%20leur%20qualit%C3%A9%20de%20vie.
  13. Institut Paoli-Calmettes, « La recherche à l’IPC ». Voir en ligne : https://www.institutpaolicalmettes.fr/decouvrir-ipc/la-recherche-a-lipc/.

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