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AccueilLe cancer des voies biliairesLe cancer des voies biliaires – Interview

Le cancer des voies biliaires

Un expert vous explique


5 minutes de lecture




David Malka, Chef du Département d’Oncologie Médicale de l’Institut Mutualiste Montsouris à Paris – Président du Conseil Scientifique du GERCOR et ancien président du groupe Gastro-intestinal d’UNICANCER.



Il est parfois difficile de s’y retrouver entre les différents cancers biliaires et les chiffres varient considérablement d’une source à l’autre. Comment expliquer ces discrépances ?

Dr Malka : Il existe effectivement un vrai problème de terminologie. Ainsi les cancers de la vésicule sont parfois classés dans les cholangiocarcinomes ce qui est un abus de langage. Les cancers périhilaire (tumeurs de Klaskin) sont parfois dits extra-hépatiques alors que le hile est le sillon entre les deux lobes du foie. Sans oublier un certain nombre de tumeurs dont le diagnostic est très difficile à faire comme les tumeurs de l’ampoule de Vater qui peuvent avoir un aspect de cancer du pancréas, ou de cancer biliaire ou de cancer du duodénum. Tout cela est très difficile à distinguer au microscope.


On parle d’un cancer rare. Et pourtant les cholangiocarcinomes intra hépatiques représentent 15 % de cancers du foie, les cancers de la vésicule sont les 6èmes cancers digestifs en fréquence.

Dr Malka : Le critère pour dire qu’un cancer est rare est simple : lorsqu’il y a moins de 6 cas pour 100 000 personnes/an le cancer est rare. Or, et même si les statistiques sont un peu divergentes on peut estimer qu’en France il y a un peu moins de 2 cas pour 100 000 pour les cholangiocarcinome intra-hépatiques et sensiblement la même chose pour les autres cancers des voies biliaires (perihilaires, distaux et vésicules).  Soit moins de 4 000 nouveaux cas par an. Cela reste très inférieur aux chiffres du cancer du sein, de la prostate, du poumon, ou du côlon.


Les cholangiocarcinomes intra-hépatiques sont à la hausse en connait-on la raison ?

Dr Malka : L’épidémie mondiale de diabésité, de « NASH » y est sans doute pour quelque chose. Une maladie chronique du foie (Nash, séquelles d’une hépatite infectieuse) est retrouvée dans plus de la moitié des cholangiocarcinomes intra-hépatiques. Pour les cancers de la vésicule eux sont en revanche en diminution. C’est sans doute la conséquence de la large pratique de cholécystectomie (ablation de vésicule pour des calculs).


Comment se déroule l’annonce du diagnostic ?

Dr Malka : Je suis spécialiste en cancer digestifs. Beaucoup de ces cancers sont découverts à des stades métastatiques. Pour le cancer colorectal métastasé, la moyenne de survie est de trois ans. Pour les autres cancers (œsophage, estomac, pancréas) c’est encore plus bas. Nous savons donc que l’annonce de ces cancers digestifs métastasés est très délicate. Il faut faire le deuil de sa vie d’avant et souvent le deuil de sa vie tout court. A cela s’ajoute la particularité des cancers des voies biliaires, qui sont des « cancers rares ». Les patients sont démunis car ils n’ont pas de repère. Les soignants de premier recours n’en ont guère plus : un généraliste voit peut-être 2 cas dans toute sa carrière…Ce sont par ailleurs des cancers de management complexe car il peut y avoir une urgence à drainer les voies biliaires. De plus, la majorité des patients sont âgés, la chirurgie est délicate, l’imagerie est également difficile et nécessite une expertise. Mais heureusement l’arsenal d’oncologie médicale s’est singulièrement enrichi ces dernières années.


Depuis quand ?

Dr Malka : L’année charnière c’est 2010. Avant nous n’avions aucun traitement standard validé car aucune grande étude comparative n’était en mesure de prouver que tel protocole de chimiothérapie était supérieur à tel autre. En raison notamment de la rareté de ces cancers il était très difficile de monter de telles études.  En 2010 nous avons enfin pu disposer d’un standard de chimiothérapie en première ligne. Puis en 2020 un standard de chimiothérapie de seconde ligne. Au cours 5 derniers années deux révolutions thérapeutiques se sont succédé : l’immunothérapie et les thérapies ciblées.


Quels progrès peut-on espérer encore ?

Dr Malka : D’abord trouver d’autres thérapies ciblées lorsque les patients ne répondront plus à leur première thérapie ciblée. De telles études sont déjà en cours. Et peut-être apporter ces thérapies plus tôt dans la maladie. Je suis porteur d’un projet d’essai qui devrait ouvrir fin 2023/début 2024 pour assurer un accès aux thérapies ciblées dès la première ligne chez les patients ayant des anomalies moléculaires actionnables. Ce projet est réalisé avec UNICANCER en partenariat avec le Royaume-Uni, la Belgique et nous l’espérons, l’Espagne et les Pays-Bas. Ce projet dès le début a été travaillé avec des associations de patients anglo-saxonnes, qui ont donné leur avis sur le protocole.


Et le dépistage plus précoce de ces cancers ? Ne serait-ce pas une solution pour ces cancers découverts à des stades souvent très tardifs ?

Dr Malka : La pertinence du dépistage des cancers n’est pas simple à démontrer, même pour des cancers comme le cancer du poumon pour lesquels on peut facilement identifier des populations cibles. Pour les cancers biliaires qui sont à la fois rares et dont on connait peu de facteurs de risque ce serait encore plus complexe. Bien sûr tout le monde attend et espère le « dépistage sanguin multi-cancer ». Mais la faisabilité d’un tel dépistage reste encore à prouver.




Pour aller plus loin

Les facteurs de risque Les symptômes Les traitements Les chiffres

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